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Au regard des autres civilisations qui les entouraient, les arabes ne représentaient pas grand- chose, sinon de petites tribus ignorantes isolées pratiquant un paganisme arriéré
Au regard des autres civilisations qui les entouraient, les arabes ne représentaient pas grand- chose, sinon de petites tribus ignorantes isolées pratiquant un paganisme arriéré. Mais dans l’Arabie préislamique, un certain talent pour l’éloquence et quelques qualités morales pouvait constituer un contexte propice à l’avènement de l’Islam, pour l’émergence d’une grande civilisation.
L’époque préislamique en Arabie est connue sous l’appellation de jâhiliyya, ou époque de l’ignorance. Cette appellation suggère une société bédouine peu avancée. Ainsi que l’explique l’historien Jawâd `Alî, « Les Arabes préislamiques étaient en retard par rapport aux civilisations qui les entouraient. La plupart menaient la vie fruste et ignorante de nomades, regroupés en tribus isolées du monde extérieur. Le monde extérieur, quant à lui, n’avait pas non plus de contacts avec eux. Ils étaient des illettrés idolâtres et leur histoire ne présentait guère d’intérêt. »[1]
Les Arabes préislamiques se distinguaient certes parmi les peuples du monde par un certain nombre de qualités morales et de talents, tels que l’éloquence, le goût de la liberté, la fierté, le courage et l’esprit chevaleresque, le zèle dans la défense de leurs croyances, la franchise, la mémoire, l’amour de l’égalité, la compétence dans le commandement ou encore la fidélité et la fiabilité. Cependant, en raison de leur éloignement historique de l’époque des prophètes, de leur isolement géographique dans la péninsule arabique et de leur attachement à leurs croyances ancestrales et à leurs coutumes, ils étaient très arriérés au niveau religieux. Ils pratiquaient une idolâtrie ridicule en contraste avec leur époque, leurs mœurs étaient dépravées et leur société était dans un état de faiblesse et de déclin, et éloignée des valeurs religieuses.[2]
Sur le plan religieux, le culte des idoles était si répandu en Arabie que chaque tribu, puis même chaque famille avait son idole. Le Compagnon Abû Rajâ’ al-`Atârî fait le récit suivant : « Nous adorions des pierres ; lorsque nous trouvions une pierre qui nous plaisait plus que l’autre, nous jetions la première pour adorer la nouvelle. Si nous ne trouvions pas de pierre, nous assemblions un monticule de terre, nous trayions une brebis dessus puis nous tournions autour. »[3]
Les Arabes avaient également d’autres divinités que les idoles. Ils adoraient les anges, les djinns et les astres. Ils croyaient que les anges étaient les filles de Dieu et les adoraient pour qu’ils leur servent d’intercesseurs auprès de Dieu. Ils associaient également les djinns à Dieu, leur attribuaient des pouvoirs et les adoraient.[4]
Le judaïsme était également présent en Arabie. Les rabbins étaient des personnages puissants : ils jouissaient d’une emprise importante sur les gens et se préoccupaient plus de l’argent et du pouvoir que de la protection de leur religion. Le christianisme mal compris était fortement teinté de paganisme et de confusion entre Dieu et l’homme ; tout en ayant des adeptes parmi les Arabes il n’avait pas d’influence réelle sur eux.[5]
Sur le plan des mœurs, la consommation de vin était largement répandue : elle occupe une place importance dans la poésie arabe comme dans l’histoire et la littérature. Les jeux de hasard étaient également très communs. Selon Qatâda[6] : « A l’époque préislamique, un homme pouvait jouer sa femme et ses biens : il se retrouvait alors dépouillé de ses biens et ne pouvait que regarder tristement un autre en prendre possession, ce qui engendrait la haine et la rancune. »[7]
Aussi bien les Arabes que les Juifs pratiquaient l’usure ; c’était un usage tellement courant qu’ils l’assimilaient à une vente. Les relations entre hommes et femmes étaient corrompues : la fornication était devenue une pratique courante, les hommes prenaient des maîtresses et les femmes prenaient des amants. Un récit de `Aïsha (que Dieu l’agrée) rapporte les diverses formes que pouvait prendre le mariage : « A l’époque préislamique, il existait quatre types de mariage : d’abord celui en vigueur aujourd’hui, où l’homme demande à un autre homme la main de sa pupille ou de sa fille, offre une dot à celle-ci puis consomme le mariage. Dans le second type de mariage, l’homme disait à sa femme après ses mesntrues : ‘Envoie dire à untel que tu lui demandes d’avoir des rapports avec toi.’ Le mari ne touchait alors plus sa femme, jusqu’à ce que l’on sache si elle était enceinte de l’homme avec lequel elle avait eu des rapports. Si elle était enceinte, le mari reprenait les rapports conjugaux avec sa femme s’il le voulait. Ce type de mariage ne se pratiquait que dans le but d’avoir un enfant et s’appelait ‘la cohabitation sur demande’. Dans un autre type de mariage, un petit groupe d’hommes, moins de dix, avaient tous des rapports avec la même femme : si elle était enceinte, quelques jours après son accouchement elle les faisait venir, sans qu’aucun d’eux ne puisse se soustraire à son invitation, et elle leur disait : ‘Vous savez ce qui est résulté de vos rapports avec moi : j’ai eu un enfant, et c’est le tien, untel.’ Elle nommait celui qu’elle voulait et l’enfant lui était attribué, sans que l’homme ne puisse s’y soustraire. Le quatrième mariage était celui des prostituées, qui recevaient de nombreux hommes, sans se refuser à ceux qui venaient à elles. Elles mettaient un drapeau à leur porte, comme signal invitant ceux qui le souhaitaient à entrer chez elles. Lorsqu’une d’entre elles était enceinte, après son accouchement on réunissait ces hommes et on faisait venir des physionomistes qui attribuaient l’enfant à celui qu’ils jugeaient être le père, sans que ce dernier ne puisse s’y soustraire. Lorsque Muhammad (paix et salut à lui) est venu apporter la Vérité, il a mis fin à toutes les formes de mariage qui existaient à l’époque préislamique, à l’exception du mariage pratiqué aujourd’hui. »[8]
La situation de la femme à cette époque est quant à elle résumée par cette parole de `Umar ibn al-Khattâb (que Dieu l’agrée) : « Par Dieu, à l’époque préislamique nous ne comptions les femmes pour rien : puis Dieu a révélé à leur sujet ce qu’Il a révélé. »[9] Les femmes n’avaient pas droit à l’héritage, l’héritage étant réservé à ceux qui pouvaient prendre les armes. Quand un homme mourait, son fils héritait de lui, ou à défaut son plus proche parent mâle (frère, père ou oncle) ; ses filles et ses femmes rejoignaient celles de son héritier et avaient les mêmes droits et les mêmes devoirs qu’elles. Les femmes n’avaient aucun droit face à leur mari. Il n’y avait pas de limite aux répudiations, ni au nombre d’épouses qu’un homme pouvait prendre. Lorsqu’un homme mourait en laissant une épouse et des fils nés d’une autre femme, le fils aîné avait un droit prioritaire sur la femme de son père : il la considérait comme faisant partie de son héritage.[10]
Les filles étaient si détestées qu’on les enterrait vivantes, l’une des pratiques les plus odieuses de l’époque préislamique. Les fillettes qui échappaient à cette mort étaient, elles, promises à une vie d’oppression. Le Coran condamne cette situation : « Lorsqu’on annonce à l’un d’eux la naissance d’une fille, son visage s’assombrit, il suffoque. Il se tient à l’écart des gens à cause du malheur qu’on lui a annoncé ; va-t-il la garder malgré le déshonneur, ou l’ensevelir dans la terre ? Leur jugement n’est-il pas détestable ? »[11]
Telle était la situation de la péninsule arabique avant l’avènement du Prophète Muhammad (paix et salut à lui).
[1] Jawâd `Alî, Al mufassal fî târîkh al-`arab qabla l-islâm, 1/37.
[2] Abû al-Hasan an-Nadwî, Ce que le monde a perdu avec le déclin des musulmans, pp. 76-77.
[3] Rapporté par al-Bukhârî, Livre des expéditions militaires, chapitre : « La délégation des Banû Hanîfa et le récit de Thamâma ibn Athâl » (4117).
[4] Abû al-Mundhir Hishâm ibn Muhammad ibn as-Sâ’ib al-Kalbî, Kitâb al-asnâm, p. 44.
[5] Voir Safî ad-Dîn al-Mubârakfûrî, ar-Rahîq al-makhtûm, p. 47.
[6] Qatâda as-Sadûsî (60-117 ou 118H), éminent savant de la génération des Suivants qui était une référence importante pour les musulmans de son époque.
[7] Voir at-Tabarî, Jâmi` al-bayân fî ta’wîl al-qur’ân 10/573, et al-`Azîm Âbâdî, `Awn al-ma`bûd 10/79.
[8] Al-Bukhârî, Livre du mariage, chapitre : « Celui qui affirme qu’il n’y a pas de mariage sans tuteur matrimonial » (4834) ; Abû Dâwud (2272).
[9] Al-Bukhârî d’après Ibn `Abbâs, Livre du tafsîr, chapitre de l’explication de la sourate at-Talâq (4629) ; Muslim, Livre du divorce, chapitre : « Le fait de s’isoler de ses épouses et de leur donner le choix » (1479).
[10] Voir Muhammad Ahmad Ismâ`îl al-Muqdim, al-Mar’a bayna takrîm al-islâm wa-ihânat al-jâhiliyya, p. 57.
[11] Sourate 16, an-Nahl, versets 58-59.
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